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Photo du rédacteurReporters Audacieux 18-19

Normal Desires : virer fou (ou folle) à plusieurs

Par Élizabeth Mageren. Reporters Audacieux 2018-19, le 29 novembre 2018.

Pour Normal Desires d’Émile Pineault, j’ai pris la décision de ne pas me renseigner sur l’œuvre. Ne rien lire, ne rien regarder, ne rien écouter qui pourrait être en lien avec le spectacle. Ni avant, ni après la représentation. Voici donc mon regard isolé, sans influence et « vierge » sur Normal Desires.


Dans cette pièce d’Émile Pineault, le son, la lumière et le corps n’existent pas l’un sans l’autre. Ils sont inséparables. Ici, la lumière et le son travaillent de pair pour créer un environnement éclaté, et l’interprète, lui, s’avère à en être le contraire. Malgré la dureté qu’il dégage, le danseur donne une impression d’innocence et de douceur qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la pièce. Son corps semble se battre contre cet univers tout en en faisant complètement partie. Comme s’il était déchiré entre se ranger ou suivre ses pulsions, il se bat en quelque sorte avec lui-même.


Mon premier réflexe fut de comparer Normal Desires à un trouble anxieux. Aussi fou que ça puisse paraître, j’ai cru vivre une interminable crise d’angoisse… et ça ne m’a pas déplu.

Des néons qui brouillent nos perceptions des couleurs

de la musique qui fait vibrer la salle entière

une arme à vapeur qui nous plonge à répétition dans un nuage de fumée

l’arrêt soudain et non moins étourdissant du son et de la lumière

le noir beaucoup trop noir qui s’en suit

et même un personnage gonflable auquel on tente de ne pas trop s’identifier, à défaut de devenir fou.

Tous ces éléments contribuent à la perte complète de nos repères, une très grande qualité de l’œuvre, selon moi.


C’est donc avec son spectacle qu’Émile Pinault parvient à faire vivre à son public une expérience extrêmement singulière. Pour le spectateur, dès les premières minutes de la pièce, plus rien n’existe à l’exception de ce qui se déroule devant ses yeux. Rien n’est plus important que la survie de l’homme qui vit sur scène. Comme si un danger le guettait, le public entre dans un état d’alerte, et c’est ce qui constitue une autre grande force du spectacle. Que l’on aime ou pas, il est impossible de détourner le regard : on se retrouve pendu aux mouvements du danseur, oubliant tout le reste. Ceci dit, bien que corps et esprits soient poussés à leur limite pendant une heure, on en sort si détendu que c’en est presqu’angoissant.


Normal Desires, c’est toute la détresse, toute la colère d’un seul individu, mais d’une population complète à la fois. Cette pièce vous prendra en otage et personne n’est assez puissant pour s’en échapper.



 

À propos de l'auteur : Élizabeth Mageren


Elizabeth Mageren baigne dans la danse et le théâtre depuis l’enfance. Elle termine son secondaire en art dramatique à Robert-Gravel en 2017, puis entame son DEC en cinéma au Cégep de Saint-Laurent. À l’adolescence, elle est membre d’une troupe de danse contemporaine et, en mars 2018, elle fait partie de la distribution de La déesse des mouches à feu au Théâtre de Quat’sous, ce qui confirme son amour des arts vivants et la pousse à vouloir aller plus loin dans sa démarche artistique. Au sein de Reporters Audacieux, Elizabeth souhaite apporter un nouveau regard à la danse contemporaine et peut-être faire naître un intérêt pour l’art local chez les jeunes adultes de son âge.

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