Par Elizabeth Mageren. Reporters Audacieux 2018-19, le 18 mars 2019.
Une grande femme t’accueille à l’entrée.
Elle te parle
mais tu ne l’écoutes pas vraiment.
Tout ce qui t’intéresse
c’est le petit être visqueux à carapace qu’elle tient dans ses mains
avec une aise qui t’est étrangère.
Elle te fait entrer
il pleut dans ta tête
il pleut aussi dans celles des autres
probablement.
Tu es éblouie par le bleu si bleu
par le bleu si vert de l’espace.
Tu t’arrêtes un instant pour prendre connaissance de ce qui t’entoure
puis
sans le savoir
tu es assise.
Tu touches l’étendue turquoise qui te sert de sol
tu la trouves un peu rugueuse
ça te plait.
Tu lèves les yeux et tu aperçois directement devant toi
un corps
accroupi
vêtu d’une longue chevelure bleue.
« Ça sent le synthétique » tu te dis.
Devant toi
des créatures de denim transportent délicatement de fines pellicules argentées.
Tout semble fonctionner machinalement
comme si c’était la millième fois qu’on répétait ces gestes.
L’une d’elles passe devant toi
tu aperçois ton reflet dans son mouvement.
Tu sursautes.
Ce ne sont pas tes yeux
ton nez
tes oreilles qui te surprennent
mais plutôt la vision de tous ces gens
assis à tes côtés.
Ils te ressemblent un peu trop à ton goût.
À ta droite
un groupe de sirènes
immobiles
éclaire l’espace.
Depuis ton arrivée
le temps est suspendu
comme si plus rien n’existait en dehors.
Mais
sans crier gare
tout se met à accélérer.
La femme et son petit compagnon se tiennent maintenant devant toi allongés comme de grands amis / les uns poursuivent leur quête d’autres invitent les tiens à une expérience auditive / des cloches se font entendre tu te tournes vers elles trois corps autour de l’animal s’échangent des sons tu te demandes s’il les entend / après un moment tous se lèvent se rassemblent et se battent contre l’air / leurs respirations se mélangent entres elles tu te dis « malgré leurs différences ils ne font qu’un » / tu portes un jugement sur tes pensées à l’eau de rose mais tu ne trouves rien de mieux / l’espace se vide sous tes yeux sans que tu puisses vraiment le réaliser / tout s’agite autour de toi des gens sortent des gens parlent des gens vivent / des corps se tordent sur le sol mais personne ne semble les remarquer .
Quelqu’un pose une main sur ton épaule
on te dit que c’est fini
que c’est terminé
on te dit que tu peux te lever
que tu peux sortir
que tu peux continuer d’exister.
À propos de l'auteur : Élizabeth Mageren
Elizabeth Mageren baigne dans la danse et le théâtre depuis l’enfance. Elle termine son secondaire en art dramatique à Robert-Gravel en 2017, puis entame son DEC en cinéma au Cégep de Saint-Laurent. À l’adolescence, elle est membre d’une troupe de danse contemporaine et, en mars 2018, elle fait partie de la distribution de La déesse des mouches à feu au Théâtre de Quat’sous, ce qui confirme son amour des arts vivants et la pousse à vouloir aller plus loin dans sa démarche artistique. Au sein de Reporters Audacieux, Elizabeth souhaite apporter un nouveau regard à la danse contemporaine et peut-être faire naître un intérêt pour l’art local chez les jeunes adultes de son âge.
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